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La confidentialité des banques suisses prend une nouvelle forme

La culture du secret bancaire, ici la Paradeplatz à Zurich, a subi une mutation ces dernières années en Suisse (archives). KEYSTONE/GAETAN BALLY sda-ats

(Keystone-ATS) La culture du secret bancaire a subi une mutation, observe Hedwige Nuyens. La directrice de l’International Banking Federation estime que la confidentialité, dont les banques suisses ont fait leur expertise, redevient un atout sous une nouvelle forme.

“La culture bancaire helvétique, avec son esprit conservateur, n’a pas changé”, juge Hedwige Nuyens. “Ce qui a changé, c’est le modèle d’affaires”, explique en entretien avec l’ats la responsable de la Fédération bancaire internationale (abrégé en anglais IBFed), de passage à Zurich.

L’attrait de la confidentialité “pour de mauvaises raisons” n’a pas résisté aux pressions politiques et de l’opinion publique, constate la représentante de l’IBFed. “Plutôt que de rester sur un modèle d’affaires voué à disparaître, les banques se sont réorientées.”

“La Suisse et le Luxembourg constituent des cas d’école en matière de transformation de l’industrie bancaire”, affirme la directrice. Les clients eux aussi ont changé, qui misent désormais sur la durabilité.

Données convoitées

Aux manettes de l’IBFed depuis 2015, Hedwige Nuyens bénéficie d’un poste d’observation privilégié. Le lobby d’associations bancaires nationales, créé en 2004 et basé à Londres, représente plus de 18’000 banques, dont une bonne part des principaux instituts mondiaux.

Dans son rôle de porte-parole de la communauté bancaire internationale, cette Belge, ex-cadre chez BNP Paribas, sillonne la planète pour rencontrer les autorités et tenter d’appréhender les différences culturelles. “Le secteur financier ne se conçoit pas sans les clients et l’économie qui le portent”.

Aussi Hedwige Nuyens voit-elle l’industrie bancaire suisse à l’image de sa clientèle domestique: plutôt traditionnelle, solide, fiable, peu sensible “à la mode”. Son caractère discret, le secteur le doit aussi à la neutralité politique du pays.

Accès aux comptes

“La notion de confidentialité évolue”, souligne Mme Nuyens. La privacité devient toujours plus importante à l’heure où les données bancaires des clients sont de plus en plus convoitées par des acteurs externes au système financier.

Et d’évoquer concrètement la directive de l’Union européenne (UE) sur les services de paiement (Payment Services Directive ou PSD2). Ce texte, entré en vigueur en janvier 2018, oblige les banques de l’UE à instaurer un droit d’accès aux comptes bancaires en faveur de prestataires tiers, dans l’objectif de stimuler la concurrence.

Les clients des banques (particuliers et entreprises) peuvent autoriser une partie tierce à gérer leurs finances ou à accéder à leurs données financières. Des acteurs tels que Google ou Amazon pourront payer des factures ou effectuer des transferts tandis que l’argent reste sur un compte bancaire.

Carte à jouer

Dans ce contexte, où l’enjeu est la protection des données bancaires, la confidentialité devient une valeur précieuse, assure Hedwige Nuyens. Ici, les banques helvétiques ont une carte à jouer.

L’Association suisse des banquiers (ASB) rejette toute obligation légale à la PSD2, jugeant “dangereux que les pouvoirs publics imposent le droit d’accès”. “La question de la sécurité des données des clients joue un rôle primordial dans le domaine de la banque électronique, écrit l’ASB sur son site internet.

En Suisse, les prestataires tiers ont déjà accès aux comptes bancaires et les banques ouvrent l’interface client lorsque c’est dans l’intérêt mutuel de l’établissement et du client, rappelle l’ASB. La concurrence fonctionne sans distorsion au détriment des banques, argumente l’organisation.

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