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La Ville de Zurich ne veut pas citer la nationalité des délinquants

L'UDC presse encore la Municipalité de Zurich de préciser la nationalité des délinquants présumés dans ses communiqués aux médias (photo symbolique). KEYSTONE/MARTIN RUETSCHI sda-ats

(Keystone-ATS) La police de la Ville de Zurich continuera à ne pas mentionner les nationalités des délinquants dans ses communiqués. Cette pratique a été clairement confirmée mercredi par le parlement communal. Un postulat de l’UDC voulait obliger à donner cette précision.

“Ne pas nommer les nationalités des délinquants est une farce et une censure”, pouvait-on lire dans le postulat de l’UDC, qui a été débattu mercredi soir au parlement communal de Zurich. Selon le texte, la police municipale zurichoise aurait été la première à agir de la sorte.

Le texte du parti agrarien a finalement été rejeté par tous les partis, à l’exception de l’UDC elle-même. Résultat: 100 voix contre et 17 pour, sur les 125 membres de l’assemblée.

En novembre dernier, la direction de la police municipale annonçait qu’elle allait renoncer à préciser la nationalité des auteurs de délits dans ses communiqués, et ne le ferait que sur demande. Le département de la sécurité de la ville mettait ainsi en pratique un postulat du PS et des Vert’libéraux adopté en 2015.

Pour l’exécutif zurichois, mentionner systématiquement la nationalité est discriminatoire. Cela laisse suggérer que l’origine du délinquant présumé explique l’acte, tout en cachant les causes exactes, comme la pauvreté, un bas niveau d’éducation et la consommation de drogues, avait alors justifié le responsable de la police Richard Wolff (gauche alternative).

Dossier pas clos

La nouvelle pratique en ville de Zurich a suscité des remous et le dossier n’est pas clos. Fin mai, l’UDC cantonale zurichoise a déposé une initiative obligeant les polices du canton a préciser aux médias la nationalité, l’âge et le sexe des auteurs présumés de délits et des victimes. Et sur demande encore, si l’auteur ou la victime sont issus de la migration.

Pour l’heure, la police cantonale s’en tient aux recommandations de 2010 de la Conférence des commandants de police. La consigne: communiquer l’âge et la nationalité des personnes soupçonnées et des victimes – avec des dérogations, pour des raisons de protection de la personnalité par exemple.

Dans le canton de Soleure, les citoyens ont néanmoins accepté en 2012 une initiative de l’UDC obligeant la police et la justice à donner la nationalité des délinquants dans leurs communications. A St-Gall, le Grand Conseil a adopté en 2010 un texte similaire des Jeunes UDC.

Pesée d’intérêts

Entre l’omission et l’obligation, le Conseil suisse de la presse (CSP) adopte une attitude souple. “La décision de mentionner ou non la nationalité des auteurs de délits fait partie de la responsabilité de chaque journaliste”, indique à Keystone-ATS Ursina Wey, directrice du CSP.

“Dans un cas concret, la mention de la nationalité peut apporter un élément d’information important”, poursuit Mme Wey. “Ne jamais mentionner la nationalité peut ouvrir le champ aux rumeurs, par exemple par rapport à la statistique d’auteurs de délits et à leur nationalité”.

Les polices romandes ont aussi pour habitude de peser les intérêts. Elles livrent la nationalité, mais non de manière systématique. Si le thème semble moins politisé qu’outre-Sarine, le cas zurichois n’a pas manqué de soulever des questions, aux parlements lausannois et genevois.

Pratiques différentes

Le canton de Genève s’adapte aux différents canaux. “Sur Facebook, nous omettons systématiquement la nationalité pour ne pas susciter de commentaires”, indique Silvain Guillaume-Gentil, porte-parole de la police genevoise. Envers les médias, nous communiquons de façon proactive, sauf s’il y a un risque que la personne puisse être identifiée par ces données, précise-t-il.

La police vaudoise donne en règle générale la nationalité des auteurs de délits, suisses ou étrangers. Interpellée en novembre sur le choix zurichois, la Municipalité de Lausanne avait jugé que “cette piste ne pourrait être envisagée que si le Ministère public vaudois entendait changer sa pratique”.

A Neuchâtel, le débat politique ne s’est pas invité dans la communication institutionnelle. “Nous communiquons la nationalité des auteurs et des victimes dans la mesure où il y a un intérêt prépondérant pour la compréhension du contexte ou de l’affaire”, explique Georges Lozouet, porte-parole à la police neuchâteloise.

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