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Nicaragua: l’opposition manifeste, le pouvoir se durcit

"On recherche les assassins du peuple": les manifestants demandaient samedi le départ du président du Nicaragua Daniel Ortega et de sa vice-présidente de femme Rosario Murillo, caricaturés pour l'occasion. KEYSTONE/AP/CRISTOBAL VENEGAS sda-ats

(Keystone-ATS) Des centaines d’opposants au président du Nicaragua Daniel Ortega ont marché samedi à Managua. Ils ont bravé l’offensive du pouvoir à leur encontre, avec notamment l’adoption d’une loi prévoyant une peine de 20 ans d’emprisonnement pour “terrorisme”.

“Liberté”, “Justice”, “Le peuple uni jamais ne sera vaincu”, ont scandé les manifestants, le visage caché derrière un foulard et le drapeau du Nicaragua dans les mains.

Deux marches étaient organisées par l’Alliance Civique pour la Justice et la Démocratie. La première, baptisée “Masaya florecerá” (Masaya fleurira) est partie du centre de Managua et la seconde du nord-est de la capitale. Toutes deux ont convergé vers une route menant à Masaya, située à 30 kilomètres au sud de Managua.

Masaya était le dernier bastion de l’opposition avant d’être repris violemment mercredi par les forces fidèles au président Ortega après trois mois de manifestations qui ont fait plus de 280 morts à travers le pays.

Liberté revendiquée

Ces marches étaient organisées deux jours après l’offensive du président Ortega contre l’opposition et l’église, qu’il a accusées de fomenter un coup d’Etat. La vice-présidente Rosario Murillo, épouse du chef de l’Etat, a affirmé vendredi que “justice sera rendue pour les victimes du terrorisme”.

Le parlement, contrôlé par le gouvernement, a approuvé lundi une réforme judiciaire controversée qui prévoit une peine de 15 à 20 ans d’emprisonnement pour terrorisme.

“Les manifestations ne sont pas terminées. Nous allons continuer à revendiquer la liberté dans les rues… nous ne nous soucions pas de la loi antiterroriste que le gouvernement vient d’approuver, nous allons continuer à nous battre pour notre liberté “, a déclaré une jeune fille de 23 ans, affirmant se prénommer Marie.

“Nous n’avons pas peur, plus nous sommes nombreux, moins nous avons à craindre”, a expliqué une étudiante souhaitant conserver l’anonymat.

Soutien à Ortega

Parallèlement, des partisans du gouvernement, parmi lesquels se trouvaient de nombreux policiers, ont défilé en soutien à Ortega et pour réclamer justice pour les morts. Cette marche, partie du centre historique de Managua, avait pour point d’arrivée la prison d’El Chipote, dénoncée par l’opposition comme un centre de torture des manifestants emprisonnés.

Des familles de détenus campent depuis des jours à proximité de cette prison, espérant obtenir des informations sur leurs proches. Des organisations de défense des droits de l’homme les ont fait évacuer pour éviter qu’ils ne soient attaqués par les partisans d’Ortega. Les femmes, dont la plupart étaient des mères de détenus, se sont réfugiées dans la cathédrale de Managua.

“Des hommes cagoulés et armés sont venus nous dire que si nous ne décampions pas, ils allaient nous tuer, c’est pour cela que nous sommes venus ici”, dans la cathédrale, a déclaré à l’AFP une femme demandant l’anonymat.

“Lord et Lady Macbeth”

Le Nicaragua, pays le plus pauvre d’Amérique centrale, est secoué depuis trois mois par des violences qui ont fait plus de 280 morts et quelque 2000 blessés. Un mouvement de protestation, dont les étudiants sont le fer de lance, a été lancé le 18 avril contre le gouvernement de Daniel Ortega, ex-guérillero de 72 ans, à la tête du Nicaragua depuis 2007 après l’avoir déjà dirigé de 1979 à 1990.

Trente-neuf après, il s’accroche au pouvoir, avec son épouse et vice-présidente Rosario Murillo, réprimant les manifestations qui réclament son départ. Comparés à Frank et Claire Underwood, duo impitoyable de la série “House of Cards”, ou surnommés “Lord et Lady Macbeth”, leurs détracteurs dénoncent la dérive autoritaire de ce couple qui gouverne sans partage et veille jalousement sur son image.

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